Tout à commencé après l’accident d’Isa. Ou tout c’est fini. Selon le point de vue que l’on adopte.
J’avais rencontré Isa quelques temps avant de finir mes études de médecine. C’était dans une de ces soirées étudiantes où l’alcool et la musique coulent à flot. Il y avait un mone fou, pour la plupart très imbibé, et je dois reconnaitre que je n’étais pas très net moi non plus.
Elle était venu avec un type qui lui aussi faisait médecine. Je ne le connaissais pas, et d’ailleurs je n’aurais pas l’occasion de faire sa connaissance. Il l’avait laissée en plan pour aller vomir dans un coin, et n’avait pas refait surface de toute la soirée. Avec Marc, mon meilleur ami, nous l’avions vue, seule sur son fauteuil, devant un verre vide, attendant que son petit ami qui ne tenait pas l’alcool revienne. Il était plutôt inhabituel en pareil endroit de trouver une belle fille seule; Qui en plus n’avait rien à boire.
Pour la rejoindre nous avions traversé la salle bondée avec beaucoup de difficulté, le monde qui encombrait les lieux et l’alcool qui encombrait nos veines nous redant la tache plus qu’ardue. Avec beaucoup de delicatesse, chose etonnante pour deux gars saouls, à peine sorit de l’adolescence, nous lui avons demandé si nous pouvions nous asseoir à ses côtés. Elle nous avait répondu avec beaucoup d’humour. Je me souviens qu’elle avait dit que c’était préférable pour nous, qu’elle ne voulait pas nous voir nous écraser lamentablement sur le sol, et que de toute façon son cavalier ne risquait pas de revenir, il était parti dans un état d’ébriété encore plus avancé que le notre, ce qui n’était pas peu, elle doutait qu’il soit rendu à destination pour rendre, alors elle doutait qu’il puisse envisager le voyage retour. Nous nous sommes donc installés à sa table.
Marc resta avec nous un petit moment, mais il avait vu arriver sa copine du moment, je ne peux pas me souvenir de son nom, et à l’époque lui non plus, il y en avait trop qui se succédaient, et parfois plusieurs en même temps. Dans un effort quasi surhumain nous avons discuté un moment en forçant nos voix jusqu’à leur limite pour couvrir la musique tonitruante. Je me souviens que nous beaucoup avons rit. Pour ma part je crois que la lecture du journal officiel m’aurait plongé dans la même hilarité. Mais j’ai passé un très bon moment. Nous sommes restés comme ça jusque très tard, la salle était presque vide, la musique avait cessé. Quand nous nous sommes séparés le jour se levait. Sur le trottoir, devnat la boite, dnas les débris de la nuit, nous avons échangés nos adresses.
Quelques mois après je finnissais mes études et nous aménagions ensemble dans un petit appartement, tout juste assez grand pour nous. J’étais engagé régulièrement comme remplaçant dans uncabinet médical grâce aux relations de mon père. Isa commençait à faire des traductions pour une petite maison d’édition, différentes revue scientifiques et donnait quelques cours particuliers. Nous n’avions pas grand chose, mais comme dans la chanson nous étions heureux avec des riens.
Au bout de deux ans j’ai fini par être engagé comme associé dans le cabinet médical où je faisais jusqu’alors des remplacements. Nous avons déménagé dans un appartement plus spacieux, plus chic. Isa avait de plus en plus de travail, elle avait réussi à signer un contrat avec une maison d’édition d’importance. Tout allait pour le mieux. Je n’aurais pas r^vé meilleure vie. Comme tout était si parfait, je l’ai demandée en mariage.
Nous avons fait ça au début du mois de septembre, en Normandie, dans sa famille. Une grande cérémonie, plus de deux cent invités, le ban et l’arrière ban. Trois jour avant elle a voulu s’enfuir loin de tout ça, au Mexique, au Brésil, n’importe où mais loin, et j’ai été à deux doigts de la suivre dans sa folie. Où qu’elle veuille partir je l’aurais suivie, jusqu’au bout du monde s’il avait fallu.
Malgré ce caprice le jour dit elle était là, dans une magnifique robe, la même que celle que portait sa grand mère, avec quelques retouches bien entendu. Elle s’avançait vers l’autel, vers moi, au bras de son père. Les grandes orgues retentissaient dans l’église. Les tonnes de fleurs répandaient leur parfum suave et entetant. Je tremble encore en évoquant ce souvenir..
Nous avons passé deux semaines dans les îles pour notre voyage de nocés. C’est entre la Martinique et la Guadeloupe, sur un bateau que nous avions loué, par une belle nuit étoilée, sur le pont, que nous avons conçu Vincent. Même si ce n’est pas l’exacte vérité, ça nous plaisait de le penser.
Quand elle m’a annoncé qu’elle était enceinte j’ai pleuré. Avant de tomber dans les pommes. Où le contraire je ne sais plus. Deux jours après, juste à quelques mètres de chez nous un gamin s’est fait renversé par une voiture alors qu’il rentrait de l’école. A peu de temps de ça, on aviat retrouvé une fille morte, sur un terrain vague, une aiguille plantée dans le bras. Overdose. Elle n’avait pas seize ans. Ce sont deux des raisons qui ont poussés Isa à vouloir déménager.
Il lui était insuportable de savoir que l’on allait élever nos enfants dans un tel environement. Avant tous les malheurs, tous les morts que trainait derière elle la cité nous laissaient indifférents. Ils ne pouvaient pas toucher les gens que nous aimions. L’arrivée prochaine de notre enfant changeait tout.
J’ai commencé à chercher un cabinet à la campagne. Un ancien collègue de facultéde mon père prenait sa retraite, il vendait son cabinet et sa clientèle. Il habitait un petit village au bord de la mer, sur la Côté Atlantique, juste au desus de Bordeaux. J’ai sauté sur l’occasion. Nous avons utilisé nos économies. Nos parents nous ont aidés pour acheter une petite maison avec un grand jardin.
Le cabinet et la maison avaient besoin d’un serieux ravalement. Pendant tout l’hiver nous nous sommes transformés tous les deux en une véritable entreprise de travaux public. Le ventre d’Isa s’arrondisait en même temps que les travaux avançaient. Fin mai nous en avions fini, je recevais mon premier patient. Et Isa accouchait.
Ce ne fut pas facile de nous installer à la campagne. Nous étions deux citadins totalement inadaptés à ce genre de vie. Nous étions deux étrangers dans le village. Les gens nous regardaient de travers, nous ne faisions pas partie de leur monde. Nous étions deux pièces rapportés. Surtout je prenais la place du Dr. Martin. Il avait soigné les villageois pendant quarante ans, la plupart des habitants n’avaient connu que lui, il en avait fait naître certain. Je ne pouvais pas le remplacer du jour au lendemain. Il a fallut qu’ils m’apprivoisent. Au début ils ne venaient pas en masse, ils ne se déplaçaient que quand c’était absolument nécéssaire. De mon côté il a fallu que j’abandonne certaines des manies de la ville, que je m’adapte à leur façon d’agir, à leur façon de voir le docteur. Cela à pris du temps mais nous avons fini par nous entendre.
Nous nous sommes intégrés à la population. Ils nous font encore comprendre qu’on est pas vraiment du lieu,que comme nous n’avons pas usés nos fonds de culottes sur les bancs de l’école avec eux nous serons toujours des étrangers, mais au moins ils ne nous considèrent plus comme des intrus. Je me suis inscrit au club de foot. Isa fait partie du comité des parents d’élèves de l’école.
Les enfant s ont fait beaucoup pour notre intégration. Ils aiment bien voir des jeunes dans les villages. Pour la naissance de Sarah les pensionnaires de la maison de retraite ont fait travailler leurs aiguilles et nous ont offert une panière de layette, et les gars du club de foot m’ont saoulé au troquet le soir même.
Dix ans se sont écoulé paisiblement dans cette ambiance. Isa et moi avons vu grandir Vincent et Sarah loin des dangers de la ville. Ils peuvent sortir de l’école tranquillement sans craindre pour leur vie. Ils jouent dans les rues, et les terrains vague sont des terrains de foot, des champsde batailles sur lesquels ont ne voit jamais la moindre seringue perdue. Tout va tellement bien qu’un troisième bébé est en route. Un petit retardataire.
Isa revenait de Bordeaux, elle devait voir son gynécologue, et rencontrer le patron d’une nouvelle revue de je-ne-sais-quoi qui lui proposait un boulot. Une mote s’est couchée sous un camion, celui-ci s’est mis en travers de la route, et la voiture d’Isa l’a percuté de plein fouet.
Quand on m’a annoncé froidement la nouvelle au téléphone la terre s’est ouverte sous mes pieds. Pourtant ce ne sont pas les premiers jours qui ont été les plus durs.
Elle est tombé dans le coma. Elle avait plusieurs fractures sur l’ensemble du corps, un sérieux traumatisme cranien, et elle a perdu le bébé. J’ai envoyé les enfants chez mes parents, et j’ai passé trois jours entiers à son chevet. Dormant peu, mangeant à peine. C’est le chirurgien-chef, un ancien camarade de fac, qui m’a convaincu de rentrer chez moi. Tant qu’il ne se pasait rien je n’avais aucune raison de rester et me mettre dans un tel état. J’étais trop faible pour lui répondre, je lui ai obéi et je suis parti.
Je ne suis revenu que deux jours après. Elle avait ouvert les yeux. J’ai cru que c’était bon signe. Elle ne parlait pas encore, était incapable de bouger, mais j’ai pensé qu’elle était sur la bonne voie. Les médecins n’étaient pas aussi optimistes. Je connais les médecins, je savais qu’ils ne voulaient pas trop s’engager, ne pas me donner de faux espoirs.
Au bout de quelques semaines j’ai fini par reprendre mes consultations. Tout le monde prenait des nouvelles de ma femme, on m’invitait à diner, on compatissait. C’était agréable, j’ai pensé que jamais ça ne serait arrivé en ville. J’aurais pu rentrer seul chez moi, avec ma douleur. Là j’avais des gens amicaux et chaleureux pour me soutenir.
Au fil des semaines l’état de santé d’Isa ne s’améliorait pas. Les médecins étaient de plus en plus réservés quand à son sort. Moi j’y croyais encore. Elle gardait les yeux ouvert, je me raccrochais à ça. C’est tout ce qui me restait
C’est à partir de que tout est devenu plus dur. Les mois ont passés et rien d’autre. Isa en était toujours au même point. J’ai perdu pied en été. Les enfants passaient leurs vacances chez leurs grands parents en Normandie. J’allais trois fois par semaine à Bordeaux, sans compter les week-end quand je n’étaits pas de garde. A chaque fois en rentrant je descendais une bouteille de whisky, seul, dans le noir, en pleurant. Je ne dormais plus, je ne mangeais plus, je me laissais glisser. Je n’ouvrais plus le cabinet, et quand je le faisais j’insultais les patients qui venaient me voir avec leurs petits bobos.
J’ai fini par m’envoyer une bouteille chaque soir, même quand n’allais pas voir Isa. Je ne me rasais plus. Les gens m’évitaient dans la rue. Au bistrot on ne me parlait plus. Un matin j’ai ouvert le cabinet et personne n’est venu. J’ai décidé de ne plus le faire.
A la fin de l’été j’étais une épave. Mes beaux parents n’ont pas voulu que je récupère les enfants. Je ne peux pas leur en vouloir.Mon père est venu me voir. Il m’a engueulé comme quand j’avais dix ans. J’ai ét incapable de lui répondre. Il est parti en claquant la porte. Il a cassé un carreau. Je n’ai pas pris la peine de le faire remplacer.
La dernière fois que je suis allé voir Isa, son médecins m’a dit que désormais il n’y avait plus d’espoir, que seules les machines la maintenait en vie. J’ai passé quelques heures avec elle, lui tenant la main sans rien dire. En sortant de la chambre j’ai demandé qu’on arrete tout.
En rentrant chez nous je ne suis regardé dans un miroir sans me reconnaitre. J’ai vomi tripes et boyaux. J’ai ouvert ma dernière bouteille. Je ne boirais plus une goutte après. J’étais épuisé, je n’avais qu’une envie: dormir.
Le marchand de sable vient de passer. Ce que j’ai pris avec mon bourbon devrais m’assurer un très, très long sommeil. J’espère que je vais faire de beaux rêves.
J’avais rencontré Isa quelques temps avant de finir mes études de médecine. C’était dans une de ces soirées étudiantes où l’alcool et la musique coulent à flot. Il y avait un mone fou, pour la plupart très imbibé, et je dois reconnaitre que je n’étais pas très net moi non plus.
Elle était venu avec un type qui lui aussi faisait médecine. Je ne le connaissais pas, et d’ailleurs je n’aurais pas l’occasion de faire sa connaissance. Il l’avait laissée en plan pour aller vomir dans un coin, et n’avait pas refait surface de toute la soirée. Avec Marc, mon meilleur ami, nous l’avions vue, seule sur son fauteuil, devant un verre vide, attendant que son petit ami qui ne tenait pas l’alcool revienne. Il était plutôt inhabituel en pareil endroit de trouver une belle fille seule; Qui en plus n’avait rien à boire.
Pour la rejoindre nous avions traversé la salle bondée avec beaucoup de difficulté, le monde qui encombrait les lieux et l’alcool qui encombrait nos veines nous redant la tache plus qu’ardue. Avec beaucoup de delicatesse, chose etonnante pour deux gars saouls, à peine sorit de l’adolescence, nous lui avons demandé si nous pouvions nous asseoir à ses côtés. Elle nous avait répondu avec beaucoup d’humour. Je me souviens qu’elle avait dit que c’était préférable pour nous, qu’elle ne voulait pas nous voir nous écraser lamentablement sur le sol, et que de toute façon son cavalier ne risquait pas de revenir, il était parti dans un état d’ébriété encore plus avancé que le notre, ce qui n’était pas peu, elle doutait qu’il soit rendu à destination pour rendre, alors elle doutait qu’il puisse envisager le voyage retour. Nous nous sommes donc installés à sa table.
Marc resta avec nous un petit moment, mais il avait vu arriver sa copine du moment, je ne peux pas me souvenir de son nom, et à l’époque lui non plus, il y en avait trop qui se succédaient, et parfois plusieurs en même temps. Dans un effort quasi surhumain nous avons discuté un moment en forçant nos voix jusqu’à leur limite pour couvrir la musique tonitruante. Je me souviens que nous beaucoup avons rit. Pour ma part je crois que la lecture du journal officiel m’aurait plongé dans la même hilarité. Mais j’ai passé un très bon moment. Nous sommes restés comme ça jusque très tard, la salle était presque vide, la musique avait cessé. Quand nous nous sommes séparés le jour se levait. Sur le trottoir, devnat la boite, dnas les débris de la nuit, nous avons échangés nos adresses.
Quelques mois après je finnissais mes études et nous aménagions ensemble dans un petit appartement, tout juste assez grand pour nous. J’étais engagé régulièrement comme remplaçant dans uncabinet médical grâce aux relations de mon père. Isa commençait à faire des traductions pour une petite maison d’édition, différentes revue scientifiques et donnait quelques cours particuliers. Nous n’avions pas grand chose, mais comme dans la chanson nous étions heureux avec des riens.
Au bout de deux ans j’ai fini par être engagé comme associé dans le cabinet médical où je faisais jusqu’alors des remplacements. Nous avons déménagé dans un appartement plus spacieux, plus chic. Isa avait de plus en plus de travail, elle avait réussi à signer un contrat avec une maison d’édition d’importance. Tout allait pour le mieux. Je n’aurais pas r^vé meilleure vie. Comme tout était si parfait, je l’ai demandée en mariage.
Nous avons fait ça au début du mois de septembre, en Normandie, dans sa famille. Une grande cérémonie, plus de deux cent invités, le ban et l’arrière ban. Trois jour avant elle a voulu s’enfuir loin de tout ça, au Mexique, au Brésil, n’importe où mais loin, et j’ai été à deux doigts de la suivre dans sa folie. Où qu’elle veuille partir je l’aurais suivie, jusqu’au bout du monde s’il avait fallu.
Malgré ce caprice le jour dit elle était là, dans une magnifique robe, la même que celle que portait sa grand mère, avec quelques retouches bien entendu. Elle s’avançait vers l’autel, vers moi, au bras de son père. Les grandes orgues retentissaient dans l’église. Les tonnes de fleurs répandaient leur parfum suave et entetant. Je tremble encore en évoquant ce souvenir..
Nous avons passé deux semaines dans les îles pour notre voyage de nocés. C’est entre la Martinique et la Guadeloupe, sur un bateau que nous avions loué, par une belle nuit étoilée, sur le pont, que nous avons conçu Vincent. Même si ce n’est pas l’exacte vérité, ça nous plaisait de le penser.
Quand elle m’a annoncé qu’elle était enceinte j’ai pleuré. Avant de tomber dans les pommes. Où le contraire je ne sais plus. Deux jours après, juste à quelques mètres de chez nous un gamin s’est fait renversé par une voiture alors qu’il rentrait de l’école. A peu de temps de ça, on aviat retrouvé une fille morte, sur un terrain vague, une aiguille plantée dans le bras. Overdose. Elle n’avait pas seize ans. Ce sont deux des raisons qui ont poussés Isa à vouloir déménager.
Il lui était insuportable de savoir que l’on allait élever nos enfants dans un tel environement. Avant tous les malheurs, tous les morts que trainait derière elle la cité nous laissaient indifférents. Ils ne pouvaient pas toucher les gens que nous aimions. L’arrivée prochaine de notre enfant changeait tout.
J’ai commencé à chercher un cabinet à la campagne. Un ancien collègue de facultéde mon père prenait sa retraite, il vendait son cabinet et sa clientèle. Il habitait un petit village au bord de la mer, sur la Côté Atlantique, juste au desus de Bordeaux. J’ai sauté sur l’occasion. Nous avons utilisé nos économies. Nos parents nous ont aidés pour acheter une petite maison avec un grand jardin.
Le cabinet et la maison avaient besoin d’un serieux ravalement. Pendant tout l’hiver nous nous sommes transformés tous les deux en une véritable entreprise de travaux public. Le ventre d’Isa s’arrondisait en même temps que les travaux avançaient. Fin mai nous en avions fini, je recevais mon premier patient. Et Isa accouchait.
Ce ne fut pas facile de nous installer à la campagne. Nous étions deux citadins totalement inadaptés à ce genre de vie. Nous étions deux étrangers dans le village. Les gens nous regardaient de travers, nous ne faisions pas partie de leur monde. Nous étions deux pièces rapportés. Surtout je prenais la place du Dr. Martin. Il avait soigné les villageois pendant quarante ans, la plupart des habitants n’avaient connu que lui, il en avait fait naître certain. Je ne pouvais pas le remplacer du jour au lendemain. Il a fallut qu’ils m’apprivoisent. Au début ils ne venaient pas en masse, ils ne se déplaçaient que quand c’était absolument nécéssaire. De mon côté il a fallu que j’abandonne certaines des manies de la ville, que je m’adapte à leur façon d’agir, à leur façon de voir le docteur. Cela à pris du temps mais nous avons fini par nous entendre.
Nous nous sommes intégrés à la population. Ils nous font encore comprendre qu’on est pas vraiment du lieu,que comme nous n’avons pas usés nos fonds de culottes sur les bancs de l’école avec eux nous serons toujours des étrangers, mais au moins ils ne nous considèrent plus comme des intrus. Je me suis inscrit au club de foot. Isa fait partie du comité des parents d’élèves de l’école.
Les enfant s ont fait beaucoup pour notre intégration. Ils aiment bien voir des jeunes dans les villages. Pour la naissance de Sarah les pensionnaires de la maison de retraite ont fait travailler leurs aiguilles et nous ont offert une panière de layette, et les gars du club de foot m’ont saoulé au troquet le soir même.
Dix ans se sont écoulé paisiblement dans cette ambiance. Isa et moi avons vu grandir Vincent et Sarah loin des dangers de la ville. Ils peuvent sortir de l’école tranquillement sans craindre pour leur vie. Ils jouent dans les rues, et les terrains vague sont des terrains de foot, des champsde batailles sur lesquels ont ne voit jamais la moindre seringue perdue. Tout va tellement bien qu’un troisième bébé est en route. Un petit retardataire.
Isa revenait de Bordeaux, elle devait voir son gynécologue, et rencontrer le patron d’une nouvelle revue de je-ne-sais-quoi qui lui proposait un boulot. Une mote s’est couchée sous un camion, celui-ci s’est mis en travers de la route, et la voiture d’Isa l’a percuté de plein fouet.
Quand on m’a annoncé froidement la nouvelle au téléphone la terre s’est ouverte sous mes pieds. Pourtant ce ne sont pas les premiers jours qui ont été les plus durs.
Elle est tombé dans le coma. Elle avait plusieurs fractures sur l’ensemble du corps, un sérieux traumatisme cranien, et elle a perdu le bébé. J’ai envoyé les enfants chez mes parents, et j’ai passé trois jours entiers à son chevet. Dormant peu, mangeant à peine. C’est le chirurgien-chef, un ancien camarade de fac, qui m’a convaincu de rentrer chez moi. Tant qu’il ne se pasait rien je n’avais aucune raison de rester et me mettre dans un tel état. J’étais trop faible pour lui répondre, je lui ai obéi et je suis parti.
Je ne suis revenu que deux jours après. Elle avait ouvert les yeux. J’ai cru que c’était bon signe. Elle ne parlait pas encore, était incapable de bouger, mais j’ai pensé qu’elle était sur la bonne voie. Les médecins n’étaient pas aussi optimistes. Je connais les médecins, je savais qu’ils ne voulaient pas trop s’engager, ne pas me donner de faux espoirs.
Au bout de quelques semaines j’ai fini par reprendre mes consultations. Tout le monde prenait des nouvelles de ma femme, on m’invitait à diner, on compatissait. C’était agréable, j’ai pensé que jamais ça ne serait arrivé en ville. J’aurais pu rentrer seul chez moi, avec ma douleur. Là j’avais des gens amicaux et chaleureux pour me soutenir.
Au fil des semaines l’état de santé d’Isa ne s’améliorait pas. Les médecins étaient de plus en plus réservés quand à son sort. Moi j’y croyais encore. Elle gardait les yeux ouvert, je me raccrochais à ça. C’est tout ce qui me restait
C’est à partir de que tout est devenu plus dur. Les mois ont passés et rien d’autre. Isa en était toujours au même point. J’ai perdu pied en été. Les enfants passaient leurs vacances chez leurs grands parents en Normandie. J’allais trois fois par semaine à Bordeaux, sans compter les week-end quand je n’étaits pas de garde. A chaque fois en rentrant je descendais une bouteille de whisky, seul, dans le noir, en pleurant. Je ne dormais plus, je ne mangeais plus, je me laissais glisser. Je n’ouvrais plus le cabinet, et quand je le faisais j’insultais les patients qui venaient me voir avec leurs petits bobos.
J’ai fini par m’envoyer une bouteille chaque soir, même quand n’allais pas voir Isa. Je ne me rasais plus. Les gens m’évitaient dans la rue. Au bistrot on ne me parlait plus. Un matin j’ai ouvert le cabinet et personne n’est venu. J’ai décidé de ne plus le faire.
A la fin de l’été j’étais une épave. Mes beaux parents n’ont pas voulu que je récupère les enfants. Je ne peux pas leur en vouloir.Mon père est venu me voir. Il m’a engueulé comme quand j’avais dix ans. J’ai ét incapable de lui répondre. Il est parti en claquant la porte. Il a cassé un carreau. Je n’ai pas pris la peine de le faire remplacer.
La dernière fois que je suis allé voir Isa, son médecins m’a dit que désormais il n’y avait plus d’espoir, que seules les machines la maintenait en vie. J’ai passé quelques heures avec elle, lui tenant la main sans rien dire. En sortant de la chambre j’ai demandé qu’on arrete tout.
En rentrant chez nous je ne suis regardé dans un miroir sans me reconnaitre. J’ai vomi tripes et boyaux. J’ai ouvert ma dernière bouteille. Je ne boirais plus une goutte après. J’étais épuisé, je n’avais qu’une envie: dormir.
Le marchand de sable vient de passer. Ce que j’ai pris avec mon bourbon devrais m’assurer un très, très long sommeil. J’espère que je vais faire de beaux rêves.